Totalement inhumaine
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TELLEMENT INHUMAIN

par Gérard PLANTEROSE

Il semble bien selon cet auteur spécialiste de l'Intelligence Artificielle I.A. que l'humanité qui est vouée à disparaître nêest que le vecteur momentané de l'Intelligence considérée comme un concept à valeur métaphysique.
Cette Intelligence est inhérente à la matière dont elle procède.
Les atomes qui constituent le silex sont donc générateurs d'IntelligenceÄ
La théorie du Big Bang nêétant toujours pas remise en question en l'état actuel de nos connaissances, il faut bien admettre que l'humanité est déjà contenue dans les première secondes de l'expansion atomique initiale.
De là à extrapoler et à essayer de nous convaincre que âl'intelligence était déjà là", tout comme la vie qui était présente avant l'ADN et sera sòrement encore là après sa disparition.
Le hasard et la nécessité sont devenus de vieilles lunes mortes.
l'Intelligence, c'est l'esprit qu'il faudrait écrire avec un E majuscule.

Or, on aimerait bien savoir ce qu'est l'Intelligence.
La citation dévote (p18) de Teilhard de Chardin sert d'indice: notre auteur est un mixeur de science et de métaphysique, un conjugueur de contraires.
Elle est contrebalancée par une autre (p25) âl'attente du Ciel ne saurait vivre que si elle est incarnée. Quel corps donnerons-nous à la n»tre aujourd'hui? Celui d'une immense espérance totalement humaine."

Eh bien non! Elle sera TOTALEMENT INHUMAINE. Telle est la thèse défendue par J-M Truong, un homme qui a donc de l'espoir, hélas!

Certes, la démonstration est plaisante. Les problèmes soulevés sont réels. l'analyse de l'évolution récente de l'humanité ne manque pas de clarté et de justesse, maisÄ ce fin lecteur de Nietzsche, me semble porté vers un espoir bien vain: âLa vie serait donc vraiment dénuée de sens?", angoisse-t-il.
Sa réponse est optimiste, il y a de l'espoir. La supra-Intelligence pré-existante à l'Humain désirerait seulement changer de médium.

Amusant, nêest-ce pas?

Un, compte tenu de ce que l'on sait aujourd'hui des dimensions de l'univers, rien ne nous prouve que si Intelligence, il y a, cela fait belle lurette qu'elle est peut-être parfaitement présente sous une forme différente sur une des milliards de planètes qui gravitent autour de milliards d'étoiles et que je ne vois absolument pas l'intérêt qu'elle aurait à poursuivre sa âcarrière" justement sur notre planète.
Deux, le hasard ne fait pas bien les choses, contrairement aux âidées reçues" et autres âdogmes" qui prennent dans ce livre le nom de âmème".
Trois, pendant des années, jêai cru, comme nous l'avait enseigné A. Camus, âqu'il y a en l'homme plus de choses à admirer que de choses à mépriser", et plus je vis, plus je doute de cette constatation. d'ailleurs, la tonalité du livre corrobore cette déception que d'aucuns pourraient incriminer à l'Šge.
Quatre, nos gadgets électroniques nous échappent, nos progrès technologiques nous aliènent. c'est une vieille malédiction déjà présente dans tous les vieux romans de S-F, et qui dénonce l'éternel savant-fou, symbole de toute recherche scientifique. Voilà qui est paradoxal pour quelqu'un qui possède une solide formation scientifique.
Jadis, on a bròlé plus d'un alchimiste, plus d'un sorcier ou sorcière qui pouvaient, parfois nêêtre qu'un peu en avance sur leur temps et qui surtout, menaçaient les dogmes impérieux des prêtres.

Je sais bien qu'aujourd'hui, âquand on peut, on fait" quelles que soient les conséquences de la découverte. Hier, aussi et heureusement. Sinon, nous souffririons toujours autant avec nos rages de dents.
Il a fallu que certains se révoltent, remettent en question les idées de la doxa, allient courage et intelligence pour que nous soyons un peu moins sots que les autres animaux. Bien entendu, tout cela pour mourir et retourner au néant d'où nous venons.
Absurdité?

Totale et absolument merveilleuse.

En bon petit élément du âcheptel", je sais que lutter contre l'absurdité consiste à la renforcer. Aussi, ce qu'il nous reste à faire, c'est de vivre le peu de temps d'une vie dans les meilleures conditions possibles et en essayant de ne pas trop faire de mal aux autres. Voire, leur faire un peu de bien.
Je suis parfaitement d'accord avec l'auteur, lorsqu'il dénonce les supercheries de la net-économie.
Mais je tiens à être un désespéré qui pense qu'on peut sòrement dominer les outils que l'on se donne. Voire les refuser ou faire comme si, ils nêexistaient pas, même si cela sêapparente à de l'utopie.
Parfois, jêavoue retourner au stylo et prendre plaisir à écrire, raturer, accumuler quelques feuilles manuscrites. Mais ça ne dure jamais longtemps. La machine à traitement de texte est là qui mêattend avec son confort, sa correction approximative automatique et sa capacité d'enregistrement et d'expédition âin the world" qui mêhypnotise et en effet mêenchaîne à elle un peu plus chaque jour.

On me dit que mon matériel est archi-dépassé. Soit! Tant qu'il fonctionne je me le garde. Là réside mon esprit de résistance. Nul doute qu'à la moindre défaillance, je me laisserais convaincre d'acquérir un autre modèle peut-être plus perfectionné dont je nêutiliserai qu'une infime partie.
GŠchis!
Mais je me suis laissé dire que nous ne jouions qu'avec une infime partie de notre cerveau. Décidément, cela est une manie caractéristique de l'homme.
Idem, âcomparer un ordinateur au cerveau est ridicule, un cerveau c'est plusieurs centaines d'ordinateurs en même temps".
Certes, je ne doute pas des extraordinaires possibilités de calcul des derniers computers, J-M Truong en parle. En dépit de la puissance accrue de la mise en réseau de ces monstres, je doute qu'ils fonctionnent intelligemment! Pressentiment de néophyte, élucubration de poète, ingénuité d'ignorant?

Le jour où une machine me sortira un poème aussi émouvant et scandé que ceux de Baudelaire, une symphonie digne de Mahler, une peinture ou même seulement une calligraphie arabe ou chinoise, sans intervention de l'homme, alors là, je crois qu'on pourra en effet commencer à aller débrancher Karl comme dans â2001 l'OdysséeÄ" Apparemment, il sera trop tard car selon J-M Truong, les computers auront réussi à se reproduire seuls, à devenir vivants???

âPlus petite unité fonctionnelle susceptible d'être soumise à la sélection naturelle, l'agent logiciel accède à la dignité de gène ou – pour le distinguer de son alter-ego organique – d'e-gène. En tant que sociétés d'e-gènes, nos logiciels sont les homologues virtuels des chromosomes. Les e-gènes sont en compétition pour une place dans un logiciel comme les allèles pour un locus sur un chromosome." (p45)

Ben voyons!
Et l'énergie? Et le hasard et le chaos sont là qui font leur travail habituel, pas si hasardeux que cela puisque tout cela débouche sur le SUCCESSEUR.

âJêappelle Successeur la forme de vie nouvelle susceptible de prendre la suite de l'homme comme habitacle de la conscience."(p49)
Le Successeur est comme l'humain, le produit de ses gènes pardon, e-gènes et de son environnement socio-géo-temporel. Ce qui pose quand même problème à l'auteur (cf note 1 p 52)

Tout le livre est la démonstration de cette mutation en devenir et ne cesse d'étonner. Les citations sêaccumulent, les analogies aussi, mais si certains robots sont capables de créer des robots sans intervention de l'homme, jêose espérer qu'ils ont été programmés pour, et ne sont pas des âdissidents". A quand la première grève de robots? Quel âcrack" dans le Landernau boursier!

Jêavoue que les thèses de J-M Truong ne manquent pas d'alerter et de générer de la réflexion quant à l'emprise foudroyante de l'informatique sur notre quotidien. Les découvertes scientifiques sont littéralement boostées et les hommes ont bien du mal à suivre leurs propres progrès.
Si en effet, la mondialisation qui a toujours plus ou moins existé, - les Empires étaient à l'échelle du Monde de leur époque -, a comme conséquence un accroissement du gouffre qui sépare les riches des pauvres, il faut aussi apprendre à lui résister car elle est d'une extrême fragilité. Quelques cutters et l'on sêempare d'un avion qui devient une puissance de feu efficace pour peu que l'on ait pris soin de bien choisir l'objectif.
Comme disait la chanson de B.Vian:âl'important, ce nêest pas la puissance de la bombe, c'est l'endroit où elle tombe".
Or, de bons hackers, peuvent faire très mal, pour peu qu'ils entrent dans les logiciels de suivi du trafic aérien ou dans ceux de la conduite des centrales nucléaires. Le war game est pour demain et ce seront encore les hommes les responsables de leurs malheurs.

Je suis au regret d'avoir bien du mal à accepter de nêêtre qu'un roulement d'une fabuleuse machine sans me sentir responsable du r»le qui mêest imparti. Cela ne mêempêche nullement d'être conscient de l'infinie faiblesse de ce r»le, mais les découvertes des scientifiques ont bien bouleversé nos connaissances et notre manière de vivre et permis d'accroître nos connaissances. De là à en conclure que nous sommes plus intelligents que nos ancêtres australopithèquesÄ.
Nul ne peut demeurer indifférent aux problèmes qu'il pose. Entre autres, nous serions manipulés par l'intelligence et cette dernière déçue par son support , l'homme, serait en train de l'abandonner au profit de l'Intelligence Artificielle que nous mettons en placeÄ Voir! Et surtout tellement métaphysique que cela agace la raison.
Il nêempêche que l'essai de J-M Truong mérite qu'on le lise. Il est source de réflexions, de discussions et excite l'intelligence. Il réconcilie avec le génie humain et l'espèce humaine. Ce qui nêest pas rien.

Gérard PLANTEROSE
2001-12-04

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