Totalement inhumaine
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Totalement inhumaine
par Frédéric Grolleau

 

Quatre milliards et demi d'années. C'est le temps qu'il reste à la vie avant de s'éteindre en compagnie du soleil. Une vie dont l'épanchement spatio-temporel est dû à une intelligence primordiale ante-humaine ; une vie que les homme s'acharnent à détruire depuis toujours. Le constat, amer, invite l'essayiste à décrire comment l'intelligence issue du big bang devra transmigrer de l'humanité incarnée si elle veut perdurer. Dans un vecteur nouveau réside la possibilité de son salut : quitter le cerveau humain, utiliser l'énergie des agents logiciels du réseau Internet ou "e-gènes" pour asseoir son emprise sur le monde... Ce scénario n'a rien d'une élucubration fictionnelle. Jean-Michel Truong s'est fait connaître jusqu'à présent par deux romans d'anticipation, Reproduction interdite et Le Successeur de Pierre (Grand Prix de l'Imaginaire 2000). Mais ses recherches passées l'amènent ici à développer des réflexions pointues. Sur la mainmise croissante des agents logiciels (issus de notre esprit et de l'intelligence vitale tout court) sur la toile mondiale afin de créer un réceptacle "totalement inhumain" pour les accueillir, une fois épuisé tout le combustible (hommes, femmes) dont ils sont nourris. Sur l'histoire du développement de l'intelligence artificielle, la démonstration de l'évolution de la vie comme processus multimédia s'appuyant sur les "mèmes" ou "gènes du troisième type" soustraits à la tyrannie du carbone. Mais aussi sur les principales étapes "mémétiques" de l'humanité : guerres mondiales, industrialisation de masse, essor du Web, nouvelle économie, "Folie dot.com" et droit au bonheur... Jean-Michel Truong cite (entre autres) Teilhard de Chardin, Simone Weil, E.J. Hobsbawm, R. Dawkins, Hayek, Turing et Nietzsche, évoque la fonction sexuelle et prédatrice des ces unités élémentaires d'information polymorphes que sont les e-gènes. Ménageant une passerelle entre ses romans et son essai, il a, de même que le sens de la formule, le bon goût d'instruire sans édifier, mêlant métaphores ironiques et références littéraires dans une même optique : évoquer le trajet du "successeur", cette vie indépendante des composés organiques qui demeurera dans le minéral quand l'homme aura disparu. Silex/Silicium versus cortex. Croira ? Croira pas ? On vous aura prévenu : pendant que le Successeur calcule, le monde humain se défait.

Frédéric Grolleau

© Amazon.fr, 2001

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