Le Successeur de pierre
Critique des médias

 

Actualité de l'auteur

Interviews et portraits

Dialogue avec l'auteur

Facebook

 

 

Homo coconiens
par Bernard WERBER

 

     Peu à peu, l'homme devient un animal de cocon. Il reste au chaud, chez lui, n'a pas envie d'être dérangé par ses congénères. Il a encore moins envie de les voir de près dans les yeux, de leur serrer la main et de sentir leur odeur, voire de supporter leur haleine. La technologie moderne nous permet enfin de nous protéger les uns des autres. Grâce à la télévision, on voyage à domicile. Grâce aux livreurs de pizzas, on est nourri à domicile. Grâce à SOS Médecins, on est soigné à domicile. Grâce à la poste, on peut être livré de n'importe quel objet manufacturé. Grâce au téléphone, on peut discuter avec des gens éloignés et, grâce à Internet, on peut travailler à domicile. Internet nous fait même découvrir de nouveaux plaisirs : jouer à cinquante dans un univers virtuel, parler à des foules entières à participer à des assemblées de discussion. Effet bizarre : plus l'homme reste chez lui, plus il rencontre de gens, plus il parle à des étrangers, plus il devient curieux et assoiffé d'intormations. Comment tout cela pourrait-il évoluer ?
     Dans son roman "le Successeur de pierre" (éd. Denoël), Jean-Michel Truong imagine que les gens restent définitivement enfermés chez eux et qu'on ne communique plus que par le Web. Ce mode de société nommé Zéro contact est issu du besoin de cocooning de l'homme moderne, et aussi de la peur de la pollution, des radiations, des virus, du froid, de la saleté. Avec une société Zéro contact, il n'y a plus de risque de contamination. Les cocons sont en fait des conteneurs d'acier de quelques mètres cubes, sortes de petits studios équipés d'un lit, d'un bureau et surtout d'un grand écran de télévision. On dépose les enfants sevrés à l'intérieur et on scelle la porte car le cocon servira aussi de cercueil. La nourriture, commandée sur Internet, arrive par des tuyaux. Les objets qu'on achète sont de même livrés par un système de tuyauteries. Dans un univers, les conteneurs sont empilés par millions pour former des pyramides hautes de plusieurs centaines de mètres de hauteur. Si bien que les quelques audacieux qui arrivent à faire sauter leur porte scellée chutent au bas des pyramides.
      Comment dès lors les gens font-ils pour faire l'amour ? Par Polochon interposé. Le Polochon est un robot modifiant sa forme en fonction des données intormatiques reçue. Si bien que, pour s'accoupler, chaque partenaire envoie les codes de description de son corps dans les moindres détails à l'autre. Et chacun peut faire l'amour avec un robot représentant exactement son conjoint ! Jean-Michel Truong nous montre un meilleur des mondes, peut-être plus proche qu'on ne le croit. La capacité des hommes à se créer des prisons pour mieux se protéger fait partie de ses paradoxes.

Bernard Werber

© Eurêka, novembre 1999, n°49, p. 65

retour à la page Critiques Médias