Le Successeur de pierre
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Interview
par Dominique Karadjian

 

L'actualité cinématographique et romanesque se heurte parfois avec la réalité. "Le Successeur de pierre" fait écho à Matrix. A l'instar de Dantec et de Houellebecq, Jean-Michel Truong analyse le devenir de l'être humain. Rencontre avec un auteur de l'ère post-humaine !

Quelle est l'idée qui est à l'origine du "Successeur de pierre" ?

Elle tient tout entière dans cette citation de la philosophe Simone Weill : "L'histoire de l'humanité est l'histoire de l'asservissement qui fait des hommes, aussi bien oppresseurs qu'opprimés, les jouets des instruments de domination qu'ils ont eux-mêmes fabriqués, et ravale l'humanité vivante à n'être que la chose de choses inertes."

Combien de sens différents donnez-vous au titre ?

Il ne vous a pas échappé qu'il y a un jeu de mots... dans lequel s'inscrit toute l'intrigue ! N’en disons donc pas davantage...

On sent que la trame religieuse n'est qu'un alibi dans votre roman, pourquoi cette préoccupation religieuse ?

La trame religieuse est au contraire essentielle, car la religion est, avec la politique, une des ripostes - bien vaines - que l'homme a tenté d'opposer aux agissements de la Créature. Tout ce qui relie, unit, solidarise les hommes retarde l'avènement de la Créature. Tout ce qui les divise et les sépare prépare son lit.

Qu'est-ce-que la Créature est sensée nous révéler à nous autres humains ?

Rien. Elle nous ignore. C'est une pure force, comme telle indifférente à tout ce qui n'est pas elle-même.

Est-ce que le choix du prénom Calvin est innocent ?

Je crois... mais je peux me tromper.

Vous remettez implicitement en cause les théories de l'évolution de Darwin à savoir que seuls les hommes qui s'adaptent survivent... Or ici les hommes ne survivent que grâce au bon vouloir de la technologie, avons-nous atteint en fait le seuil final de notre évolution ?

L'homme est la seule espèce vivante qui n'évolue pas. Un "fossile vivant", selon l'expression de l'ethnologue français Leroy-Gourhan. En fait, il a cessé de s'adapter à l'instant précis où il a taillé son premier outil de silex. En déléguant à ce simple caillou la lourde responsabilité de son adaptation à son environnement, il a cru pouvoir faire l'économie des mutations génétiques par lesquelles le reste du règne animal s'adapte en permanence au changement. Depuis cet instant funeste, ce n'est plus l'homme qui évolue, mais ses outils. Aujourd'hui, non seulement ceux-ci ont conquis leur autonomie, mais ils se sont retournés contre leur créateur.

Une des idées que vous développez est l'enfermement des humains dans des cocons ? Cet isolement pas commencé à notre insu avec la propagation de l'Internet ?

Absolument. C'est la grande supercherie : plus nous sommes connectés, plus nous nous retranchons de la communauté des humains. Et plus nous sommes isolés, plus nous sommes vulnérables aux assauts de la Créature.

Vos antichambres virtuelles où se rencontrent les avatars ressemblent étrangement aux mondes virtuels 3D comme le 2ème Monde (développé par C+). Y êtes-vous déjà allé ? Et que peut vous inspirer ce type de monde à l'heure actuelle ?

Mes personnages vivent dans la version 48.7 de 2ème Monde. Tous les éléments de décor décrits dans le "Successeur de pierre" ont déjà leur prototype dans notre présent.

Quelle est à votre avis l'horizon de l'Intelligence Artificielle ? Sa rencontre avec la société marchande occidentale ne risque-t-elle pas d'amener une rupture radicale ?

Les noces de l'IA et du néolibéralisme marquent le début de l'ère post-humaine.

Dominique KARADJIAN avec la participation d’Etienne BARILLIER

© Slash, automne 1999, n° 19, p. 44

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