Le Successeur de pierre
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Le Successeur de pierre
par Max RENN

     Pourquoi ne parle-t-on pas plus du Successeur de pierre, le nouveau roman de Jean-Michel Truong ? A cause de ses options religieuses ou parce qu'il ne met pas en scène "des batailles à coups de lance-roquettes entre bikers dans un avenir proche terrifiant mais terriblement bandant, parce qu'on est des rebelles et que ça nous parle, et surtout ça va bien quand on écoute le dernier album de Ministry... ?" Ou plus simplement parce que les priorités du marketing et le manque de culture de certains médias nous incitent forcément à consommer ce que l'on voit et entend le plus souvent à la télévision ?

     Pas de chance pour Jean-Michel Truong, il n'a pas été interviewé à Nulle Part Ailleurs. Son excellent bouquin est donc passé à la trappe pour des siècles et des siècles, Amen ! Bien sûr, la vision de l'avenir proposée par ce pavé de 550 pages n'est pas des plus réjouissantes, se résumant à ces mots : "Zéro Contact". 2020, après une terrifiante et mortelle épidémie, la majorité des gouvernements votent l'enfermement de tous les survivants dans des cocons individuels, protégés du monde extérieur mais interconnectés sur un réseau informatique mondial, équivalent nettement plus performant de notre web actuel. Pendant ce temps, les grands de ce monde (les Imbus) continuent à vivre en surface, sous des dômes géodésiques biologiquement sûrs, installés dans les endroits les plus magnifiques de la planète.

     Une minorité d'individus pourtant, a résisté au "grand enfermement" : les No-Plug, vivant ou plutôt survivant dans les étendues sauvages encore habitables et bénéficiant ainsi des espaces vierges et laissés à l'abandon par la désertification du monde et, qui plus est, pourchassés par les milices des Imbus.

     Alors, le "grand enfermement", oeuvre d'intérêt public ou conspiration mondiale des puissants contre les masses facilement manipulables, après une catastrophe de cette ampleur ? Toujours est-il que les choses vont commencer à bouger après le meurtre de plusieurs "larves" (ainsi sont appelées les populations enfermées) sauvagement étripées dans leurs cocons par un serial killer d'un genre nouveau…

     Plus qu'un simple thriller futuriste, Le Successeur de pierre est un roman métaphysique d'une richesse incroyable. Sont tour à tour évoqués les différentes étapes de l'évolution humaine, les manipulations médiatiques, les dangers auxquels s'expose une société faisant plus confiance aux machines qu'à elle-même, l'insécurité des réseaux d'information/désinformation et surtout le devenir du genre humain.

     Car Jean-Michel Truong, sous un prétexte mystique (un texte secret que le Christ aurait confié aux Apôtres et qui éclairerait le devenir du genre humain sous un jour nouveau), pose deux questions fondamentales à l'heure des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle : "L'intelligence n'est-elle pas arrivée avec l'homme, animal autodestructeur s'il en est, dans un cul-de-sac évolutionniste ?" et "a-t-elle forcément besoin de l'homme pour survivre ?".

     Jean-Michel Truong échafaude sous l'égide de ces réflexions, un scénario efficace où claustrophobie, manipulations, univers parallèle et remise en question de la réalité se heurtent à plus de 2000 ans d'histoire religieuse et de théories de l'évolution, réussissant ainsi à équilibrer les scènes d'un huis clos étouffant (où les personnages semblent ne jamais être ce qu'ils prétendent) dans un voyage aux confins de l'Orient.

     Une réussite littéraire et stylistique éclatante. De plus, Jean-Michel Truong ne se contente pas de poser des questions, il y répond, rassasiant ainsi le lecteur éperdu de reconnaissance. C'est là aussi sans doute que réside toute la force du Successeur de pierre...


Max RENN


© Cyberzone, juillet 1999, p. 15-16
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