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Un ouvrage radicalement optimiste
par Pierre Bonnaure, Futuribles n° 397, novembre 2013


Voici un ouvrage radicalement optimiste qu’il faudrait offrir à la classe dirigeante française, en ces temps troublés où l’Etat, pris au piège de son propre endettement, constate qu’il n’a plus de marge de manœuvre ; où la gauche comme la droite découvrent qu’elles n’ont plus de programme et que, peut-être, elles ne servent plus à rien, puisque l’ « on a tout essayé » et que d’ailleurs « l’Etat ne peut pas tout » ; où les foules des pays cigales s’agitent dans les rues, indignées par l’austérité qu’on leur impose ou que leurs dirigeants préparent sans oser le leur dire ; où une partie de l’équipage, au lieu de pomper, pense à quitter le bateau Euro qui prend l’eau, pour partir à la nage sans penser aux requins.

Le message de Jean-Michel Truong est tout entier contenu dans le titre à clé de son ouvrage : « Reprendre ». Il est temps que « les peuples se reprennent et, se reprenant, se reprennent à rêver ». Il est temps qu’ils reprennent le contrôle de leur argent et le confient à des mains plus avisées que celles des démagogues et de la technostructure opaque qui nous gouvernent depuis des décennies.

Au départ, l’analyse du conseiller international d’entreprise qu’est J-M Truong se résume à une poignée de chiffres, empruntés à la Cour des comptes et à la Commission du budget de l’Assemblée nationale : chaque année, le pouvoir français distribue aux entreprises 200 milliards d’euros, sous formes d’aides directes (27 Mrds) ou indirectes plus ou moins opaques (174 Mrds) sans autre résultat net que de fabriquer davantage de chômage, davantage de sous-investissement dans le futur, davantage de déficit du commerce extérieur, davantage de dette souveraine. Dans le même temps, l’Etat ne récupère que 125 Mrds sous forme de prélèvements divers (il  lui en faudrait 80 de plus pour équilibrer son budget), tandis que 65 Mrds partent rémunérer les émirs pétroliers et les fonds de pension anglo-saxons. Continuer d’injecter chaque année 200 Mrds, aux frais du contribuable,  pour n’en récupérer qu’une fraction tout en désindustrialisant le pays est clairement suicidaire, mais si confortable pour beaucoup.   

Le remède du docteur Truong est aussi simple que son analyse. Primo, transférer aux particuliers – sous la forme de dots individuelles –  l’usufruit de ces 200 Mrds et les déposer en leur nom auprès d’une Caisse indépendante, qui investit intelligemment sous contrôle direct des citoyens (devenus Wikoyens par la grâce de l’internet). Secundo : introduire dans la Constitution une disposition interdisant à l’Etat d’apporter un quelconque concours au secteur marchand sans contre-partie. Tertio, les concours au secteur marchand sont administrés par les citoyens et par eux-seuls (comme dirait Alain Madelin, on ne laisse pas le lait à la garde du chat).

L’auteur précise ensuite le fonctionnement de cette Caisse autonome, qui transforme les anciennes libéralités en crédits bien gérés, tout en développant une solidarité capital-travail chère à De Gaulle : dot initiale de chacun des 38 millions de citoyens, droits de tirage (DDT) pour les entreprises - à hauteur maximale des fameux 200 Mrds -, formules de leasing pour financer les investissements à moyen terme, capitalisation de la dot individuelle pour constituer un appoint de retraite (74.000 euros après impôts, calcule J-M Truong), etc.

En l’espace de deux ou trois quinquennats, ce dispositif original pourrait représenter une force de frappe de 2.000 Mrds d’euros, soit 10 fois les réserves de la Banque de France, 2,5 fois la capacité d’intervention du FMI, 2 fois celle du Fonds européen de stabilité financière, 20% de la masse monétaire de l’Eurozone… et davantage que la dette souveraine française.Première puissance financière indépendante des marchés, cette Caisse constituerait un élément de stabilité dans le monde sans scrupules des institutions bancaires too big to fail et des exubérances irrationnelles du speed trading.   Et pourrait être un exemple pour d’autres institutions du même genre, soucieuses de préparer l’avenir au lieu de soutenir en pure perte les diplodocus industriels moribonds du siècle passé. On ne sauve pas l’emploi avec des parachutes, on en crée de nouveaux avec de l’audace. On ne rembourse pas ses dettes en empruntant, mais en exportant davantage.

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