Tandis que Jean-Michel Truong, dans "Totalement inhumaine" prédit le remplacement de l'Homme par un Successeur numérique, Jean-Claude Guillebaud, dans "Le principe d'humanité", cherche à le sauver du naufrage. Hardi!

Certes, nous ne sortirons pas d'ici vivants, et l'Homme lui-même est condamné d'avance puisque dans 4,5 milliards d'années le Soleil en s'éteignant l'éteindra net, et ne comptons pas sur l'exode interplanétaire pour nous en sortir, car " les dimensions de notre galaxie sont telles que, même à bord d'un vaisseau filant à la vitesse de la lumière, il faudrait plusieurs dizaines de milliers d'années pour atteindre la terre promise ". 4,5 milliards d'années, cela nous laisse de la marge, mais ne nous dispense pas d'y penser, ce que fait Jean-Michel Truong, qui a trouvé l'échappatoire: tout ce que l'Homme mérite de laisser derrière lui, c'est la conscience, et justement voilà que naît sous nos yeux ce qui sera l'habitacle désincarné de cette conscience (du moins quelque chose qui y ressemble), et qu'il nomme le Successeur A l'image de nos neurones interconnectés, les " ordinateurs, robots, consoles de jeux, mais aussi satellites, sondes spatiales, commutateurs de télécommunications, radars, téléphones mobiles, cartes ci puce et même appareils ménagers " mis en réseau grâce à Internet sont en train d'ébaucher ce Successeur qu'il appelle de ses vœux. Son intelligence sera " totalement inhumaine ", heureusement d'ailleurs, car Truong, qui se rit des humanistes et cite Nietzsche à tour de bras, pense que l'homme, ayant "dit son dernier mot à Auschwitz" n'est fait que pour enfanter cette monstrueuse créature, "cela constitue ici-bas notre seule justification et notre seule espérance" […]

Jean-Luc Porquet

© Le Canard Enchaîné, n° 4221, 19 septembre 2001, page 6

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