Quatre
milliards et demi d'années. C'est le temps qu'il
reste à la vie avant de s'éteindre en
compagnie du soleil. Une vie dont l'épanchement
spatio-temporel est dû à une intelligence
primordiale ante-humaine ; une vie que les homme
s'acharnent à détruire depuis toujours.
Le constat, amer, invite l'essayiste à décrire
comment l'intelligence issue du big bang devra transmigrer
de l'humanité incarnée si elle veut perdurer.
Dans un vecteur nouveau réside la possibilité
de son salut : quitter le cerveau humain, utiliser
l'énergie des agents logiciels du réseau
Internet ou "e-gènes" pour asseoir son emprise
sur le monde...
Ce
scénario n'a rien d'une élucubration fictionnelle.
Jean-Michel Truong s'est fait connaître jusqu'à
présent par deux romans d'anticipation, Reproduction
interdite et Le Successeur de Pierre (Grand
Prix de l'Imaginaire 2000). Mais ses recherches
passées l'amènent ici à développer
des réflexions pointues. Sur la mainmise croissante
des agents logiciels (issus de notre esprit et de l'intelligence
vitale tout court) sur la toile mondiale afin de créer
un réceptacle "totalement inhumain" pour les
accueillir, une fois épuisé tout le combustible
(hommes, femmes) dont ils sont nourris. Sur l'histoire
du développement de l'intelligence artificielle,
la démonstration de l'évolution de la
vie comme processus multimédia s'appuyant sur
les "mèmes" ou "gènes du troisième
type" soustraits à la tyrannie du carbone. Mais
aussi sur les principales étapes "mémétiques"
de l'humanité : guerres mondiales, industrialisation
de masse, essor du Web, nouvelle économie, "Folie
dot.com" et droit au bonheur...
Jean-Michel
Truong cite (entre autres) Teilhard de Chardin,
Simone Weil, E.J. Hobsbawm, R. Dawkins, Hayek, Turing
et Nietzsche, évoque la fonction sexuelle et
prédatrice des ces unités élémentaires
d'information polymorphes que sont les e-gènes.
Ménageant une passerelle entre ses romans et
son essai, il a, de même que le sens de la formule,
le bon goût d'instruire sans édifier, mêlant
métaphores ironiques et références
littéraires dans une même optique :
évoquer le trajet du "successeur", cette vie
indépendante des composés organiques qui
demeurera dans le minéral quand l'homme aura
disparu. Silex/Silicium versus cortex.
Croira ?
Croira pas ? On vous aura prévenu :
pendant que le Successeur calcule, le monde humain se
défait.
Frédéric
Grolleau
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