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Clonage : "On se cache derrière un alibi médical
"
par Patrick PEROTTO


Auteur d'un livre prémonitoire sur le clonage en 1988, Jean-Michel Truong estime que le clonage thérapeutique ouvre la voie au clonage reproductif.

Strasbourgeois d'origines alsacienne et vietnamienne, scientifique spécialisé dans l'intelligence artificielle et consultant en transfert de
technologies avancées, auteur de " Reproduction interdite " (Plon), roman policier qui sera réédité en mars, sur le clonage dont l'action se déroule en Alsace et dont les droits ont été achetés par Jean-Jacques Beineix, Jean- Michel Truong s'apprête à publier " Eternity express " sur le problème du vieillissement de la population et ses conséquences (Albin Michel).

- Votre roman publié voici une quinzaine d'années s'est avéré prémonitoire. Vous y évoquiez une affaire autour de clones en 2037. Comment avez-vous perçu la fausse annonce des raéliens ?
- Elle est ce qu'elle est. En revanche, les réactions sont plus intéressantes. On est toujours dans le déni que j'ai connu à la sortie de mon livre. On estimait alors impossible d'en arriver là et nous voici au pied du mur. En fait, les scientifiques se saisissent de ce canular pour différer le moment où ils seront obligés de prendre en compte la réalité du clonage humain. Il était évident que les manipulations génétiques dans les années 80 allaient déboucher sur le clonage. Après avoir dit pendant des années que c'était impossible, les scientifiques affirment depuis 1996 qu'il ne fallait pas franchir le pas. Mais rien n'a été fait pour l'interdire.

- La France et l'Allemagne ont pris une initiative à l'ONU en ce sens, mais elle est bloquée par le Vatican et les Etats-Unis qui veulent aussi interdire le clonage thérapeutique pourtant déjà autorisé dans plusieurs pays d'Europe...
- Pour l'instant, il faut aussi bloquer le clonage thérapeutique. Il pave la voie au clonage reproductif. Avec le premier, les chercheurs développeront les outils qui rendront banal le second. Ceux qui disent le contraire sont des hypocrites. Les cellules souches ne sont pas la seule voie possible pour le clonage thérapeutique. Ce tabou-là devrait sauter en dernier ressort. Je ne suis pas opposé au clonage thérapeutique. L’embryon n'est ni une personne, ni une vie et on a le droit de faire un calcul de vie. On peut sacrifier une vie, mais on devrait faire ce calcul en dernier ressort.

- Les raéliens ne s'embarrassent pas de ces considérations.
- Non. Leur désir est de mettre en avant le pire pour faire passer le moins pire. Le clonage pour eux reste le moyen d'acquérir la vie éternelle et en annonçant une naissance autour de Noël, il se raccroche à la mystique du Messie. C'est très bien joué. Ça ne les déstabilise pas auprès de leurs adeptes et pour un public plus large, c'est un coup fantastique. Ils ont accrédité l'idée que le clonage n'était qu'affaire de faisabilité technique. D'ici quelques mois, on aura oublié le coup et on se souviendra de la possibilité de mettre au monde un clone.

- Vous situiez l'action de votre roman en 2037. L'histoire s'accélère-t-elle ?
- Je voyais une évolution linéaire avec un progrès continu. Depuis quinze ans, le décollage a été lent mais désormais les choses s'envolent avec une progression exponentielle. La raison fondamentale du clonage est évidemment économique et l'on se cache derrière un alibi médical ou humanitaire. D'ici vingt ans, je suis persuadé que l'on utilisera des clones à des fins médicales, nucléaires et militaires. Un scientifique anglais parle déjà " d'organs bags ", de sacs d'organes.

- Vous semblez en vouloir aux scientifiques. Que leur reprochez-vous ?
Ils sont trop souvent juges et parties et peuvent être sujets à des conflits d'intérêts. En matière d'éthique, ils n'ont pas à dire ce qu'il faut faire. C'est de la responsabilité de chacun d'entre nous et de toute la société qui doit se saisir du débat. Pour l'instant, beaucoup de scientifiques sont opposés au clonage reproductif, parce qu'il y a encore trop de risque. Mais cette barrière tombera dès que la technique sera davantage au point.

Propos recueillis par Patrick PEROTTO
© L’Est républicain, 12 janvier 2003

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